dimanche 11 novembre 2007

Le délire de l’économiste

En réplique à un article dans le Journal de Montréal: Délire kafkaïen

Ce n’est rien de personnel mais … manifestement, vous prenez le prix Nobel comme un signe venu du ciel, une indication claire que tout récipiendaire est nécessairement de bonne foi. Ainsi, dans votre article « Délire Kafkaïen », vous citez Milton Friedman et ses théories (néolibérales) sur l’état et son prétendu problème avec la gestion du bien du peuple.

Mais ce que vous négligez de mentionner à votre lectorat, c’est le fait que les Chicago Boys - c'est-à-dire l’équipe de Milton Friedman - sont plus que partiellement responsables des cafouillis économiques, politiques et civiques au Chile (et je suis gentil). En fait, il n’y a qu’à mentionner que Friedman était un fervent admirateur d’Augusto Pinochet et qu’il a longtemps prôné l’idée qu’une dictature faisait bon ménage avec les principes du capitalisme pour qu’on sache ce qu’il pense de ceux qui font vraiment avancer l’économie (…).

Ah mais bien sur monsieur a un prix Nobel! Ceci est censé donner à monsieur une auréole de saint dévoué à la cause humaine, d’individu complètement désintéressé par le gain personnel. Je n’ai jamais vu le portefeuille de monsieur Friedman mais je reste convaincu qu’il l’a laissé bien garni. Qui plus est, un prix Nobel est plus un don politique qu’il est une véritable indication du mérite de la personne. À noter Al Gore, qui ayant voté toute sa vie pour des propositions polluantes, déchire sa chemise, fait un film et soudainement le voilà un vert intégral. C’est pourtant un politicien rompu au mensonge et à l’obfuscation, en plus d’être un bon acteur. N’oublions pas non plus le cas de Madeleine Albright, qui peu de temps après avoir dit qu’elle n’hésiterait pas à réimposer l’embargo Irakien malgré les 500,000 enfants décédés (noter : aucune demande de destitution!!!), s’est vue nominée pour un prix Nobel, qu’elle n’a pas – à mon grand soulagement – gagné. Finalement, ne taisons pas la véritable nature de ce prix; Alfred Nobel, fatigué d’avoir l’invention du TNT sur sa conscience, a voulu se racheter en se frottant aux plus grandes lumières de la civilisation, question de donner l’impression qu’il a participé lui aussi à cette élévation. Un précurseur du « spin » moderne, quoi (et le fait que ce prix fasse partie de sa dernière volonté ne fait que rendre l’histoire encore plus sordide).

D’autre part, dans la mesure où cela concerne l’article, le problème de l’état n’est pas que la fameuse agence routière ait ou non raison d’être ou qu’elle soit ou non efficace. Le problème est bien plus fondamental. Quel est l’objectif de l’état? C’est de gérer les choses que le citoyen ne peut gérer lui-même. En d’autres mots, l’état doit être une sorte d’ange gardien, de protecteur du citoyen. Or quel rôle se donne l’état depuis 30 ans? Il est devenu meneur de claques du développement économique et défenseur de son image publique. En d’autres mots, un gouvernement qui sombre de plus en plus, à chaque jour, dans l’extrême droite. La preuve, depuis 1980 on n’en finit plus de couper dans la santé et l’éducation, peu importe le parti et les promesses électorales. Et quel rôle la grande entreprise voudrait-elle que le gouvernement épouse (dixit Milton Friedman)? Un état qui se tasse sur la bande quand la grande entreprise passe, même si cela veut dire laisser le citoyen à lui-même. Pas très édifiant. Et l’argumentation de Friedman pour justifier sa position est dans le meilleur des cas risible et fausse. Si on suit le raisonnement jusqu’au bout, il n’y a que les États-Unis qui représentent le meilleur modèle. Tout le reste serait voué à l’échec. Un autre bel exemple d’« étasunocentrisme » si jamais il y en eu.

Il en résulte donc un retour à la loi de la jungle, une loi à laquelle vous souscrivez quand vous prenez pour les idées de Friedman. Une loi que nous devrions embrasser sans réfléchir, même si aux États-Unis elle a généré le pire des bourbiers sociaux (et ce n’est pas fini!).

Moi pour ma part je pense que le citoyen vaut mieux que la grande entreprise. Il vaut mieux qu’une économie dynamique et forte. Il vaut mieux que ce néolibéralisme qui fait mouiller les élites (pas les plus intelligents, mais bien sur les plus riches).

Que vaut-il alors? Il vaut un bon gouvernement empreint de discernement, un gouvernement qui ne prend pas position pour une partie ou une autre mais qui se met entre les deux et tente de faire profiter la grande entreprise d’une main d’œuvre qualifiée et qui tente de faire profiter le citoyen de la richesse qu’il génère. Un gouvernement qui, manifestement, ne fait ni l’affaire de Milton Friedman ou des « néolibéraleux » parmi nous. Ils sont bien trop contents avec les gouvernements fantoches que l’on a présentement.

Sans rancune,
Obi Wan Celeri
Homme de la vraie gauche et libre-penseur.

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