lundi 16 juillet 2007

Coupables jusqu’à preuve du péché

La Géorgie exécutera-t-elle un innocent ? La vraie question c'est bien sur pourquoi continue-t-elle à le faire.

Pour bien comprendre, il faut voir « Un coupable idéal », un documentaire sur un jeune noir injustement condamné de l'assassinat d'une femme blanche d'âge mur. Dans ce documentaire, on voit très clairement comment ça marche. Ce n'est pas facile de trouver un coupable alors quand on en a trouvé un, on s'organise pour pas le perdre! Peu importe si c'est pas légal, on le « tabasse délicatement dans les bois », on « omet » de questionner les témoins qui pourraient le disculper, on « oublie » de permettre à l'accusé de faire valoir ses droits, on « perd » ou on ne « trouve pas » les preuves car bien sur on « n'a pas le temps » de les chercher. Bref, tout sauf du travail impartial, digne d'un système de justice qui se respecte.

Alors quand on me dit qu'il y a un homme innocent sur la « rangée de la mort », je ne suis nullement surpris.

Bien sur tous les malfaiteurs de La Rochelle à Veracruz jureront pour leur innocence mais dans un système tel que celui de nos voisins … peut-on les blâmer? Et d'emblée, doit-on trouver toute personne assise sur la chaine électrique coupable, simplement parce que le système de justice l'affirme? Et de quel droit?

Et si on ne peut nier les meurtres peut-on au moins se racheter? Est-il dorénavant impossible de se faire pardonner? Combien de bavures légales cela prend-il avant qu'on ne déclare un homme (ou une femme) innocent(e)? Quel prix humain et combien de larmes doit-on verser avant de voir l'ombre d'un pardon? A-t-on fourni une alternative à ces individus plutôt que de les envoyer à l'abattoir? Un enfant qui perd son père sur la chaise électrique est-il susceptible de faire un meilleur citoyen? Le système de justice étasunien fait-il autre chose que confirmer aux pauvres que l'avenir est aux riches et que tout le reste est coupable ou une entrave à la prospérité?

Pourquoi la Géorgie continue-t-elle à exécuter des innocents? Pourquoi Arnold et ses compères préfèrent-ils tuer plutôt que de répondre à ces questions?

La chaise c'est comme le gibet ou la potence, ça sent le sang, la violence, ça réveille l'agression primitive en nous. La peine de mort entraîne la mort. Pas le contraire. Et en plus nos voisins ont trouvé le truc pour rendre ça payant. Tout le drame croustillant de la chair à canon bon marché. Et ici, pour une fois, plus on a l'air moche, plus on a de chances de passer à la télé…

Un Québec déchiré

Tout comme mon père, qui craignait de manquer de tout parce qu’il avait vécu la deuxième guerre mondiale proche du front, je crois que les québécois d’aujourd’hui sont marqués par leur histoire et leur conditionnement.

En un premier temps on ne peut pas démentir ce profond tiraillement qui existe entre le socialisme (image de la famille québécoise) et le capitalisme (image de l’individu qui réussit). Non seulement nous sommes fondamentalement méfiants de l’argent (et avec raison) mais nous avons été conditionnés à l’idée que l’état au service du citoyen était un rêve impossible, voire déraisonnable. Nous sommes pris au piège entre un néolibéralisme délirant et un retour en arrière de la collectivité, un refus de l’idée du bien-être collectif. Pas le genre de situation qui donne la paix d’esprit.

D’autre part, les québécois sont perpétuellement transportés par le tsunami des grandes crises. Crise des commandites, crise économique (le déficit ça vous dit quelque chose), crise de la mondialisation, crise identitaire, crise d’urticaire … on ne finit pas une crise qu’on arrive dans une autre. Et le tout va en accélérant. Le Québec se vend, s’exporte, se détériore quotidiennement sous nos yeux pendant qu’on travaille de plus en plus fort pour éviter que ça arrive. Le Québec n’a pas eu une bonne nuit de sommeil depuis longtemps.

Tout comme nos voisins sont tenus en haleine par la peur (phantasme?) du terrorisme, les québécois sont tenus en laisse parce qu’ils ont peur de s’affirmer. Entre les ténors de l’économie qui considèrent avec dérision tout ce qui n’émane pas du veau d’or et les grands manitous qui dénoncent l’état providence comme un mythe, il ne reste pas beaucoup de place pour crécher.

Il reste, en fait, juste assez de place pour un petit pain et des petits achats de misère, une ceinture fléchée et une plume dans l’cul comme dirait Falardeau.

Pas de surprise alors si les québécois dépensent n’importe comment; coincés entre les idéologies et les grands discours, ils consomment comme des poules promises à l’abattoir. Amen.